mercredi 9 janvier 2013

Essai sur le symbolisme architectural des églises, par M. l’Abbé Godard Saint-Jean

L’église, bâtiment spécial où se déroule la sainte Liturgie, est le locus terribilis, la Montagne sainte, l’Arche du salut, le résumé de l’univers, au centre duquel naît, meurt et ressuscite sacramentellement l’Homme-Dieu, Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Verbe éternel de Dieu.

 C’est en Lui, par Lui et pour Lui que toutes choses ont été créées, de sorte que l’univers n’est que le théâtre de l’Incarnation, où se déroule le Jeu divin de la Rédemption et du salut des élus. Tout a été fait par lui, enseigne l’Ecriture sainte, et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui. A ce titre, il est impossible de considérer que quoi que ce soit de ce qui compose la création n’est pas, d’une manière ou d’une autre, relatif au Christ, non seulement en tant que le Verbe Créateur, mais encore le Verbe Rédempteur.

 La mentalité profane se caractérise par le fait qu’elle admette que certains aspects de la création sont indépendants de Dieu, envisagé comme Origine et comme Fin surnaturelle universelle. Encore faut-il que le regard humain qui se porte sur cette création soit éclairé, sinon directement par la foi salvifique, du moins par une approche traditionnelle des formes sensibles. La mentalité de l’homme moderne, faussée par une description erronée du monde phénoménal, est devenue incapable de véritable Philosophie. En effet, « tout esprit vraiment philosophique, écrit l’auteur, l’Abbé Godard Saint-Jean, a compris le grand ouvrage de l’univers comme un immense et magnifique symbole où la divinité a laissé son empreinte. »

Toutefois, ce n’est pas le seul problème du moderne : bien souvent, et spécialement à notre époque, il se pique de connaître les principes et les signes par lesquels les Anciens manifestaient la relativité du monde à Dieu. Il n’est qu’à parcourir les rayonnages des vendeurs de papier actuels, pour se rendre compte à quel point pullulent les histrions qui produisent une littérature sur ce sujet, laquelle, pour n’être pas absolument sans intérêt, n’en contribue pas moins à plonger nos contemporains dans une confusion mentale bien pire que ne le faisait le simple athéisme, qui affectait une indifférence méprisante envers la Tradition catholique.

Contrairement à ce que l’on croit parfois, l’Eglise ne s’est pas contentée de « donner du travail » aux artistes et aux bâtisseurs médiévaux ; au contraire, la racine de ces métiers (pour ne parler que de ces deux-là) ne se distingue pas de la raison d’être de l’homme – « cultiver et garder » le Jardin qu’est le monde créé par Dieu. Cette tâche ontologique, dévolue à l’homme dans le Paradis terrestre, seul l’homme restauré dans l’état paradisiaque peut l’accomplir proprement. Et quel sera-t-il, cet homme, sinon celui qui, mort et ressuscité dans le Christ par le sacrement du baptême, instruit par l'Eglise, possède désormais une raison illuminée par la Vérité divine ? Il voit les choses dans la lumière de leur raison d’être et de leur fin, en sorte que l’art véritable est la fixation codifiée de cette vision vraie. A ce titre, l'Eglise dans sa qualité de Colonne et Fondement de la Vérité est la garante de l’orthodoxie et de la licéité de la science symbolique.

Aussi, rien ne sert de tenter d’intelliger les symboles du christianisme en dehors de la lumière de la foi catholique : « Le symbole et le dogme catholique ont entre eux une convenance intime », affirme l’auteur. N’existant explicitement que pour élever l’esprit vers Dieu, l’efficace du symbolisme échappe au profane : « Qui ne croit pas ne comprend pas ».
 
 

C’est donc dans la doctrine même des Pères, c’est surtout dans la Liturgie elle-même, en particulier celle de la dédicace, qu’il faut chercher les raisons des moyens par lesquels l'Eglise dispense cet enseignement par les sens, commencement nécessaire de l’ordonnation de l’âme à Dieu.